Gnose
Prose, Métamorphose



La manière dont Mazyar Zarnadar m’a raconté sa pratique m’a d’emblée évoqué une image: celle d’une toile à tisser, qui tout au long de son avancée ouvre des espaces nouveaux. Des espaces d’échanges, pluriels et innervés par des fils conducteurs qui s’actualisent dans diférents lieux physiques ou numériques. Cette image de sites interconnectés, mais toujours ramifiés, m’a aussi rappelé ce que certain·e·x·s historien·ne·x·s de l’art appellent le discursiv turn. Des préoccupations artistiques propres à un lieu, mais à un lieu conceptuel. Plus qu’une thématique, des pratiques qui figurent (au sens de rendre visibles) des problématiques de société inquiétantes pour lesquelles il faut impérativement ouvrir diférents endroits pour les élaborer ensemble et y pallier. La pratique artistique de Mazyar Zarnadar est fondamentalement nomade, tout en étant polymorphe et organique pour s’actualiser dans diférents sites, par diférents moyens, au travers de diférentes écologies. Si ce modèle m’est d’emblée venu à l’esprit, c’est aussi parce qu’il résonne avec un autre aspect fondamental de sa pratique ; celui de l’articulation entre les individualités situées et le collectif. Celui de la posture artistique et de la responsabilité, de l’engagement, voire de l’action politique, en tant que diférentes facettes d’un même projet, celui de renouveler des conceptions hégémoniques en visibilisant et en donnant à entendre des pluralités de voix.

La dimension sonore, musicale et conversationnelle de son travail est essentielle, tout comme celle d’histoire orale autour de l’échange et de la création de savoirs et de connaissances. C’est par ce biais qu’ilx fait cohabiter des subjectivités, des regards pour rendre des problèmes politiques plus épais. Et dans lesquelles ces points de vue font collectifs. Ses installations et plus récemment ses productions cinématographiques créent des cohésions, des rencontres, des «relations simultanées» et étofent des réseaux de solidarités. L’image en mouvement ou la mise en espace de motifs lui permettent de faire sentir et de donner à voir des dynamiques de politiques locales, des histoires culturelles globales et mettent à l’épreuve les possibilités de dialogues et rencontres durables avec les protagonistes, les participant·e·x·s et les publics. Pour ce research-based artist, construire une culture critique et créer des images et des représentations nouvelles pour une société moins discriminatoire, va bien au-delà d’une posture théorique. C’est une approche, une méthodologie et une épistémè antiraciste politique et intersectionnelle à partir desquelles devient possible une conscience collective pour repenser certains idéaux partagés. C’est pourquoi, par ailleurs, la production d’exposition et l’édition sont indissociables de sa pratique personnelle.
L’aspect protéiforme de son travail — dont la peinture, la sculpture ou l’écriture font également partie — lui permet aussi de faire l’archéologie de son propre parcours, construit à partir d’une identité franco-iranienne. Raconter soi-même son histoire peuplée de migrations physiques et spirituelles, documenter ses expériences ou produire ses propres narratifs est une question politique centrale que Mazyar Zarnadar articule de plusieurs manières. La première est la pratique du surcyclage, qui crée une sorte d’écologie et de circulation intermedia, au sein de son travail. Ce sont non seulement les matériaux qu’ilx réutilise, mais aussi les formes et les motifs. Agencer et réagencer des fragments symboliques leur donne un pouvoir, sans cesse à actualiser et à réinventer. Parfois dans l’attente de s’activer comme les parties d’un tout, ces pièces cherchent souvent à amplifier des voix, entremêlées à la sienne. La deuxième est une exploration des espaces entre l’épistémologie, les formes représentées et les matériaux utilisés. Ces renvois dynamiques lui permettent de matérialiser, de se réapproprier des termes et des motifs issus de la gnose iranienne. S’inspirant de nombreuses traditions du même nom, elle est à comprendre comme une traversée, un voyage philosophique, une immersion dans la connaissance. L’artiste la conçoit en tant que processus d’expérience et de pensée qui lui permet de mettre en forme et en sens des spiritualités comme autant de manières de produire des savoirs. Enfin, la porosité entre l’intérieur et l’extérieur est une thématique importante de son travail. De mettre à l’épreuve cette dualité lui permet d’induire un rapport au monde, à soi et aux autres transformé — et qui nous est donné à voir. Mazyar Zarnadar nous montre comment la métaphysique est un puissant outil qui ouvre des possibilités infinies, sans limites. Au travers de ces diférents espaces discursifs, moments ou formes, son travail est aussi et surtout une véritable promesse, celle de «faire vibrer l’âme, les pensées».

Julie Lang

Historienne de l’art, curatrice, 2021



    CV

    Mazyar Zarandar
    zarandar.m@gmail.com
    Linkedin
    Instagram: @mazyarzarnadar
    1984 - Nationalité française et iranienne


    Diplômes:

    2019: LLCE de persan - INALCO - Paris

    2016: Bachelor en Arts Visuels (Beaux-Arts)
     (félicitations du jury) - HEAD Geneve

    2002: Baccalauréat Economique et Social
    Lycée Léon Blum - Créteil


    Arts-Visuels (sélection):

    2024: «Kobra Héritage», Circuit, Centre d’Art de
    Lausanne, Suisse

    2022: «AL-LAH», VAR.CH, 
    World Wide Web

    2019: «Covid», Valentin 61, 
    Lausanne, Suisse

    2018: «Gather, Heal, Organize», Standard Deluxe, 
    Lausanne, Suisse 

    2017: «Immersion», Live In Your Head, 
    Geneva, Suisse 

    2016: «Rifugi», Le Cabanon, 
    Lausanne, Suisse

    2015: «Des seins a dessein», Espace Arlaud, 
    Lausanne, Suisse

    2014: «Trap me like a animal», St-Martin, 
    Lausanne, Suisse

    2013: «Point de départ et variations», RATS,
    Vevey, Suisse


    Publications:

    2024: QQPS.BLOG - blog de théorie critique - 
    7 articles - 50 visiteurs /mois

    2020: «Vocab numéro 0», Catalogue augmenté de
    l’exposition AL-LAH contre l’islamophobie - 
    ALEPH BOOKS - 100 ex


    2016: «Relations simultanées», Mémoire de Bachelor, 
    HEAD Geneve - Auto-édition, 50 ex


    Curation (séléction):

    2014: «Do it to yourself» - invitation du collectif
    zoscope - Les Mouettes - Vevey - Suisse


    2015: «Le Salon des Sans-Refuges» - Invitation de 
    plus de 100 artistes  á exposer dans un espace 
    d’accueil socio-culturel Espace Saint Martin - 
    Lausanne - Suisse

    2018: «Gather, Heal, Organize» -  Outrage
    Standard Deluxe - Lausanne - Suisse


    2018: «AL-LAH» -  Une exposition numérique 
    contre l’islamophobie»-
    Centre d’Art Vevey-Suisse

    Tabbles Rondes:

    2017: «Espace á tous et pour tous, l’espace comme unifcateur social» - Invité comme artiste par le collectif «Oú ētes vous tous?» - 
    ¨Plate forme Nord 9 - Lausanne

    2014: «L’artist-run space, une alternative au circuit de l’art contemporain» - Ecole des Beaux-Arts d’Annecy - Collectif RATS




    Arts-Vivants (Performance):

    2017: «Mama Helvetica» - FAR° 
    (Artiste intervenant) - Nyon - Suisse

    2017: «Ma Maison est une Maison Sale»
    Arsenic (Regard ext.) - Lausanne - Suisse

    2017: «La Universidad Desconocida»-Standard 
    Deluxe - (Artiste résident) - Lausanne - Suisse

    2013: «How do you feel», Les Mouettes 
    (Collaborateur) - Vevey - Suisse


    Direction Artistique (Design):

    2020-OJD: «Aleph Music Records» - Label indépendant 
    de musique urbaines

    2020-2021: Centre d’Art Vevey

    2009-2014: Freelance

    2007-2009: Supervision - Agence de publicité


    Musique (Composition et Production):

    2024: Union- Zarathustra (AMR)

    2022: IN_Berlin - Zarathustra (AMR)

    2021: Black Sun - Zarathustra (AMR)

    2014: Furniture Skin- (Lausanne Underground Film and Music Festival)

    2014: Thelj - Kelem - (Autoproduction)

    2012: Jasmin Rouge - Kelem (Ma Quete)

    2010: Roots Digging (Autoproduction)

    2009: Zamo Soul Making vol.1 (Autoproduction)

    Prix:

    2012: Prix Sacem de l’autoproduction avec le groupe Kelem pour “Jasmin Rouge”

    Vie Associative:

      Janvier à Juin 2018: Outrage Collectif  -
    Suisse Romande (Politique)

      2014-2018: Collectif Saint-Martin-
     Lausanne - Suisse (Socio-Culturel)

    2013-2017: Collectif RATS
    Vevey - Suisse (Arts-Visuels)